Bienvenue du côté obscur
Rien à vous mettre sous la dent côté lecture ? Libraire chez Les Temps Modernes, Deborah Vedel a sélectionné pour vous cinq livres qu'elle a adorés, cinq univers pour interroger notre rapport au vivant.
Le Ring de Katharsy est une sombre variation sur le thème des Sims, jeu vidéo incontournable pour toute une génération. En quatre manches, Alice Laloy sort le grand jeu pour brouiller les limites du réel et du vivant... Quand la manipulation tourne à la dictature, bienvenue du côté obscur du divertissement.
La manipulation de l'individu et des peuples
Tout amateur des Sims en a fait l'expérience : qu'il est grisant de contrôler les destinées et les moindres actions de ses pauvres victimes ! Le romancier Andreas Eschbach développe cet épineux sujet politique à l'échelle intergalactique, dans son roman culte Des milliards de tapis de cheveux. Par un habile jeu de récits enchâssés, l'auteur dénonce les totalitarismes et la prétention des puissants à vouloir régenter la vie de leurs concitoyens.
La déshumanisation poussée à son paroxysme
Changer son prochain en avatar, n'est-ce pas lui retirer son humanité ? Pour creuser cette question de manière plus radicale, faisons un tour du côté des dystopies cannibales - oui oui. Dans Viande de Martin Harnicek, texte clandestin rédigé en Tchécoslovaquie communiste, les habitants d'une ville totalement délabrée errent sans rien à se mettre sous la dent... si ce n'est leurs voisins. L'ordre social est établi par la terreur, celle de se retrouver en biftecks sur les étals des bouchers.
La société imaginée par Agustina Bazterrica dans Cadavre exquis est encore plus perverse : une épidémie ravage la quasi-totalité de la faune et rend les rares animaux restants impropres à la consommation. Plutôt que de choisir la voie du véganisme, on préfère ici élever une "sous-race" humaine, destinée à l'alimentation, dans de terrifiants élevages-abattoirs. Ces démonstrations extrêmes de cruauté ne peuvent que nous faire réagir sur notre rapport à nos congénères comme au reste du monde vivant.
Un monde sans couleur
La poussière grise qui recouvre la scène du spectacle Le Ring de Katharsy évoquera à tout lecteur de Cormac McCarthy le monde désolé décrit dans La route, qui a également inspiré Manu Larcenet pour sa dernière bande dessinée, La route. Après la fin du monde, un père et son fils vagabondent sur les ruines de la civilisation, en quête de qui, en quête de quoi ? Y-a-t-il encore un but à cette vaine existence ? Aura-t-on la moindre réponse ?
On vous le redit : ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer...
Bibliographie
- Des milliards de tapis de cheveux Andreas Eschbach
- Viande Martin Harnicek
- Cadavre exquis Agustina Bazterrica
- La route Cormac McCarthy (prix Pulitzer 2007)
- La route BD de Manu Larcenet d'après l'œuvre de Cormac McCarthy (prix Babelio pour la Bande dessinée 2024)